Mélodies persanes (Camille Saint-Saëns)

From ChoralWiki
Jump to navigation Jump to search
The printable version is no longer supported and may have rendering errors. Please update your browser bookmarks and please use the default browser print function instead.

Music files

L E G E N D Disclaimer How to download
ICON SOURCE
Network.png Web Page
File details.gif File details
Question.gif Help
  • (Posted 2015-10-09)  CPDL #37138:  Network.png
Contributor: Paolo Pandolfo (submitted 2015-10-09).  Score information: A4, 39 pages, 1.63 MB   Copyright: CPDL
Edition notes: Scanned score from IMSLP.

General Information

Title: Melodies persanes, Op. 26
Composer: Camille Saint-Saëns
Lyricist: Armand Renaudcreate page (1836-1895)

Number of voices: 1v   Voicing: Solo low
Genre: SecularLiedSong cycle

Language: French
Instruments: Piano accompaiment

First published:
Description: 

External websites:

Original text and translations

French.png French text

I. La Brise
Comme des chevreaux piqués par un taon,
Dansent les beautés du Zaboulistan.
D'un rose léger sont teintés leurs ongles ;
Nul ne peut les voir, hormis leur sultan.
Aux mains de chacune un sistre résonne ;
Sabre au poing se tient l'eunuque en turban.

Mais du fleuve pâle où le lys sommeille
Sort le vent nocturne ainsi qu'un forban.
Il s'en va charmer leurs cœurs et leurs lèvres,
Sous l'œil du jaloux, malgré le firman.
Ô rêveur, sois fier ! Elle a, cette brise,
Pris tes vers d'amour
Pour son talisman.

II. La splendeur vide
J'ai construit dans mon âme
Un merveilleux palais,
Plein d'odeurs de cinname,
Plein de vagues reflets.

Saphir, ambre, émeraude
En couvrent les piliers ;
En silence il y rôde
Des lions familiers.

Dans l'ivoire des coupes,
Sur les tapis profonds,
Des monarques par groupes
Y boivent les vins blonds.

Isolés comme une île,
Les murs s'en vont plongeant
Dans la nappe tranquille
D'un lac de vif argent.

Et tout semble immobile,
Et pourtant tout grandit,
S'élargit, tache d'huile,
Monte et s'approfondit ;

Et de l'onde muette,
Et du palais sans bruit,
Un feu qui se projette
De plus en plus reluit.

Mais, à ce qui m'enchante,
Deux choses font défaut :
Là-dedans rien ne chante,
Le ciel est noir là-haut.

Oh ! pour un son de lyre,
Oh ! pour le moindre azur,
Je laisserais porphyre,
Perles fines, or pur !

Mais le seul qui les donne,
L'amour doux et cruel,
M'interdit ma couronne
D'harmonie et de ciel ;

Et plus tout luit, tout monte,
Tout devient vaste et beau,
Plus la douleur me dompte,
Plus je suis un tombeau.

III. La solitaire
Ô fier jeune homme, ô tueur de gazelles,
Cavalier pâle au regard de velours,
Sur ton cheval dont les pieds ont des ailes
Emporte-moi vers le ciel des amours !

J'ai bien souvent, la nuit, sur ma terrasse,
Versé des pleurs en te tendant les bras.
Stérile effort ! C'est l'ombre que j'embrasse,
Et mes sanglots, tu ne les entends pas.

Pourtant le ciel m'a faite ardente et belle,
Ma lèvre douce est comme un fruit vermeil ;
J'ai dans la voix des chants de colombelle,
Sur les cheveux un rayon de soleil.

Mais enfermée et couverte de voiles,
Dans un palais, je meurs loin du vrai bien.
Pourquoi des fleurs, et pourquoi des étoiles,
Si mon cœur bat et si tu n'en sais rien ?

Mon bien-aimé, terribles sont tes armes,
Ton long fusil, ta lance, ton poignard,
Et plus que tout, tes yeux aux sombres charmes,
Perçant un cœur avec un seul regard.

Ô fier jeune homme, ô tueur de gazelles,
À leur destin mon sort est ressemblant.
Sur ton cheval dont les pieds ont des ailes,
Joins mon cœur triste à ton butin sanglant !

IV. Sabre en main
J'ai mis à mon cheval sa bride
Sa bride et sa selle d'or ;
Tous les deux, par le monde aride,
Nous allons prendre l'essor.

J'ai le cœur froid, l'œil sans vertige,
Je n'aime et je ne crains rien.
Au fourreau mon sabre s'afflige,
Qu'il sorte et qu'il frappe bien !

Le turban autour de la tête,
Sur mon dos le manteau blanc,
Je veux m'en aller à la fête
Où la mort danse en hurlant.

Où, la nuit, l’on brûle les villes
Tandis que l'habitant dort ;
Où, pour les multitudes viles,
On est grand quand on est fort.

Je veux qu'à mon nom les monarques
Tiennent leur tête à deux mains,
Que mon sabre enlève les marques
Du joug au front des humains !

Je veux que l'essaim de mes tentes,
De mes chevaux aux longs crins,
Que mes bannières éclatantes,
Mes piques, mes tambourins,

Soient sans nombre, comme la horde
Des mouches quand il fait chaud,
Qu'à mes pieds l'univers se torde,
Comprenant le peu qu'il vaut !

V. Au cimetière
Assis sur cette blanche tombe
Ouvrons notre cœur !
Du marbre, sous la nuit qui tombe,
Le charme est vainqueur !

Au murmure de nos paroles,
Le mort vibrera ;
Nous effeuillerons des corolles
Sur son Sahara.

S'il eut, avant sa dernière heure,
L'amour de quelqu'un,
Il croira, du passé qu'il pleure,
Sentir le parfum ;

S'il vécut, sans avoir envie
D'un cœur pour le sien,
Il dira : J'ai perdu ma vie,
N'ayant aimé rien.

Toi, tu feras sonner, ma belle,
Tes ornements d'or,
Pour que mon désir ouvre l'aile
Quand l'oiseau s'endort ;

Et sans nous tourmenter des choses
Pour mourir après,
Nous dirons : aujourd'hui les roses,
Demain les cyprès !

VI. Tournoiement (Songe d’opium)
Sans que nulle part je séjourne,
Sur la pointe du gros orteil,
je tourne, je tourne, je tourne,
À la feuille morte pareil ;
Comme à l'instant où l'on trépasse,
La terre, l'océan, l'espace,
Devant mes yeux troublés tout passe,
Jetant une même lueur ;
Et ce mouvement circulaire,
Toujours, toujours je l'accélère
Sans plaisir comme sans colère,
Frissonnant malgré ma sueur.

Dans les antres où l'eau s'enfourne,
Sur les inaccessibles rocs,
Je tourne, je tourne, je tourne,
Sans le moindre souci des chocs.
Dans les forêts, sur les rivages,
À travers les bêtes sauvages,
Et leurs émules en ravages,
Les soldats qui vont sabre au poing,
Au milieu des marchés d'esclaves,
Au bord des volcans pleins de laves,
Chez les Mogols et chez les Slaves,
De tourner je ne cesse point.

Soumis aux lois que rien n'ajourne,
Aux lois que suit l'astre en son vol,
Je tourne, je tourne, je tourne,
Mes pieds ne touchent plus le sol ;
Je monte au firmament nocturne ;
Devant la lune taciturne,
Devant Jupiter et Saturne,
Je passe avec un sifflement ;
Et je franchis le Capricorne,
Et je m'abîme au gouffre morne
De la nuit complète et sans borne
Où je tourne éternellement.